François Fillon, ancien Premier ministre et également ancien "ministre de l'Ecologie, du développement durable, des transports et du logement", a signé le mercredi 18 avril 2012, le décret de création du Parc national des Calanques. Il s'agit du premier parc péri-urbain d'Europe et dixième parc national français.
Près de 140 espèces protégées sont recensées au sein du parc, dont l'un des derniers couples d'aigles de Bonelli (aquila fasciata) présents en France, mais également une soixantaine d'espèces marines patrimoniales et plusieurs espèces végétales endémiques comme l'Ophrys de Marseille ou la Sabline de Provence.
Le gouvernement s'est fixé pour objectif de placer 20% des eaux françaises sous protection à l'horizon 2020.
Le décret
Anne Saint-Marie by Tom Palumbo
La définition
Richard Calmes
Quelle "engatse" (prise de tête, en marseillais) ! Ce jour-là, à l'heure de l'apéro, alors que les nuages bas semblent accrochés aux parois de la calanque de Sormiou (quelques kilomètres à l'ouest de Marseille), Mireille, Denyse, Alain et Camille partagent un rosé de Provence au cabanon. Ils attendent avec impatience la création du parc national des Calanques.
Le lendemain, à la terrasse du restaurant Le Château, au cœur de la même calanque, alors que le soleil de midi illumine les falaises de calcaire blanc, ciselant le vert des pins, embrasant la mer azur, Béatrice, François, Claude et André, eux aussi "cabanoniers" pour la plupart, savourent un vin blanc de Cassis, trinquant à la quiétude du moment et du lieu. Eux pestent contre la création du parc.
Après une douzaine d'années de travaux préparatoires, d'avancées et de reculs, le parc national des Calanques est officiellement né avec la signature, mercredi 18 avril, par le premier ministre, François Fillon, du décret de création du dixième parc national français.
Ses partisans comme ses adversaires sont amoureux des calanques et se battent, disent-ils, pour les sauver. Tous ne parlent, avec la même passion, que de préservation, citant l'aigle de Bonelli, l'oursin diadème, le mérou ou le molosse de Cestoni (une chauve-souris de 40 cm d'envergure), côté animal, les herbiers de posidonie ou les genêts de Lobel, sans oublier les savoureuses asperges sauvages pour le végétal.
"AIRE OPTIMALE D'ADHÉSION"
Le nouveau parc s'étend sur plus de 150 000 hectares, dont 51 800 de "cœur de parc" (43 500 en mer), auxquels s'applique une réglementation contraignante. Ils englobent les sites, mythiques pour les grimpeurs et les randonneurs, de Sormiou, Morgiou, Port-Pin, En-Vau, Port-Miou. Les 106 300 hectares de zones adjacentes, dont 8 300 hectares sur terre appelés "aire optimale d'adhésion", nécessiteront l'adhésion des municipalités et feront l'objet d'une politique contractuelle de développement durable, avec une charte, entre le parc national et les communes.
Le premier parc national "périurbain", aux portes de Marseille, deuxième ville de France avec ses 800 000 habitants, intègre même certains de ses quartiers. Une équation difficile à résoudre, dans un dossier très politique, sur fond de rivalités au sein de l'UMP en vue de la succession de Jean-Claude Gaudin, l'actuel maire de la ville.
Dans son vaste bureau dominant le vieux port, ce dernier est ému jusqu'aux larmes quand il évoque son enfance à Mazargues et à Sormiou, où il a encore le cabanon. "Avec l'engouement grandissant pour ces paysages magnifiques et fragiles, et ces gens qui ne sont pas tous attentionnés, il fallait protéger les calanques, faire un parc et en accepter les contraintes", dit-il. Mais comment préserver sans trop contraindre ?
Si les partisans du parc fêtent le décret tant attendu, certains regrettent les dérogations permettant le maintien de nombreuses activités dans le parc. Ou dénoncent les incohérences dans le tracé qui exclut certaines zones ou certains quartiers pour, disent-ils, "préserver des amis".
LES CABANONIERS TRAITÉS COMME DES TOURISTES
En face, entre fausses rumeurs, vrais fantasmes et craintes avérées, les représentants des pêcheurs, des cabanoniers, des chasseurs, des plongeurs, des plaisanciers, des grimpeurs, etc ..., craignent de perdre leur liberté. François Semeriva, 66 ans, chargé de la Société civile immobilière Marie de Sormiou, propriétaire d'une grande part des terrains où sont construits les 127 cabanons de la calanque, résume : "Il n'y a pas plus respectueux de l'environnement que nous. Les calanques, on les a toujours soignées, alors que la création du parc va attirer des millions de personnes et qu'avec les nouveaux règlements, les cabanoniers seront traités comme les touristes."
Certains dénoncent les projets immobiliers qui, selon eux, vont fleurir aux portes du parc. D'autres rappellent les pollutions en mer (rejet de boues rouges au large, égouts de Marseille se jetant dans la mer, décharge à ciel ouvert de La Ciotat, en plein coeur de parc). Les fêtes des cabanons seraient interdites, comme les courses nautiques dans la rade. "On va interdire les palmes des plongeurs pour ne pas déranger les micro-organismes, mais les "promène-couillons" (bateaux pour touristes) restent autorisés", s'étrangle Claude Leloustre, de la Société nautique de Marseille.
Pour tenter de les rassurer, on leur a souvent dit que "le parc ne changerait rien". "Pourquoi en créer un, alors ?", se demandent-ils. De fait, nombre d'activités seront soumises à autorisation du directeur du parc (ou de son conseil d'administration). Alors, les opposants ne baissent pas les bras et vont attaquer le décret devant le Conseil d'Etat. Le parc existe sur le papier, pas encore dans les calanques.
Dix parcs nationaux
La Vanoise (1963, Savoie, 53 500 hectares en coeur de parc).
Port-Cros (1963, Var, 2 000 ha).
Les Pyrénées (1967, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées, 45 700 ha).
Les Cévennes (1970, Lozère, Gard et Ardèche, 93 500 ha).
Les Ecrins (1973, Hautes-Alpes et Isère, 91 800 ha).
Le Mercantour (1979, Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence, 68 500 ha).
La Guadeloupe (1989, 21 850 ha).
Guyane (2007, 2 millions d'ha).
La Réunion (2007, 105 447 ha).
Les Calanques (2012, Bouches-du-Rhône et Var, 51 800 ha).